L’un des symboles les plus évocateurs de l’Italie unifiée est « Le Baiser », le célèbre tableau de l’artiste vénitien Francesco Hayez. Ce tableau évoque un danger imminent (avec les ombres visibles au-delà du mur) et indique un départ imminent, suggéré par le pied de l’homme sur la marche. Dans la première version, la couleur bleue est présente, symbole de la France …
qui avait contribué à la libération de la Lombardie-Vénétie, mais cette couleur disparaît dans l’édition de 1861, où prédominent les couleurs nationales, soulignant l’autonomie désormais atteinte par l’Italie.
« Le Baiser - expliquent les experts du Musée du Risorgimento de Gênes - a attiré le public par le thème séduisant du tableau : le moment le plus poétique de la rencontre entre deux personnes. On connaît quatre versions de l’œuvre. La plus célèbre est celle conservée à la Pinacothèque de Brera. La deuxième version est aujourd’hui dans une collection privée et est de dimensions modestes. Une troisième version fut conservée par l’artiste pendant plusieurs années et présentée à l’Exposition universelle de Paris en 1867. L’œuvre est réapparue en Amérique, dans une collection privée, et aide à comprendre la signification politique de l’œuvre. On note l’ajout d’un tissu blanc, un voile tombé, qui représente une nouveauté à côté du choix d’un vert vif pour l’intérieur du manteau de l’homme, plus atténué dans la version de Brera. Le blanc - qui dans la scène de Brera se limitait aux manches de la femme - avec le vert, le rouge du collant de l’homme et la robe bleue, forment les couleurs des drapeaux des deux nations sœurs, l’Italie et la France, dont l’alliance avait permis la victoire contre les Habsbourg. Mais c’est la version de 1861 qui représente l’aboutissement de l’idéal unitaire. Avec l’expédition des Mille, l’Italie avait prouvé qu’elle pouvait se passer de la France. On omet donc la référence au bleu de la robe féminine, qui devient une robe blanche en soie, pour laisser place aux seules couleurs du drapeau du nouveau Royaume d’Italie. »
Icône du Romantisme, « Le Baiser » a été choisi pour une exposition itinérante à l’occasion des célébrations des 150 ans de l’unité nationale. Pendant deux ans, l’œuvre de Hayez a été présentée dans des villes symboliques du Risorgimento italien. À travers un tour d’une grande portée et évocation, l’exposition a touché les villes d’Italie impliquées, à divers titres, dans la libération de l’Autriche et dans la constitution de l’unité nationale. Le voyage a commencé au Château de Miramare à Trieste : après l’entrée à Milan de Victor-Emmanuel II et Napoléon III, le 8 juin 1859, Miramare est devenu la résidence de Maximilien d’Autriche, frère de l’empereur François-Joseph et gouverneur de Milan, qui était la capitale du Royaume de Lombardie-Vénétie. La deuxième étape fut Gênes, port d’embarquement de l’expédition des Mille, et « Le Baiser » a été présenté au Musée du Risorgimento, prestigieux lieu d’exposition du chef-lieu ligure créé dans la maison natale de Giuseppe Mazzini. L’exposition suivante à Florence a voulu rappeler la ville qui a joué un rôle important dans la construction de l’histoire unitaire et a été la deuxième capitale de l’Italie. Pour les célébrations du 2 juin, avec la participation de représentants d’une centaine d’États étrangers, « Le Baiser » a été exposé à Rome, capitale de l’Italie. Ensuite, l’œuvre de Hayez a été proposée aux célébrations de la première capitale italienne, Turin, avec l’exposition à la Reggia de Venaria.
Francesco Hayez, avec son art, a exprimé les attentes et les inquiétudes du Risorgimento, époque dont le peintre vénitien a été, avec Giuseppe Verdi et Alessandro Manzoni, le principal interprète, contribuant avec eux à construire l’unité culturelle de notre pays, avant même qu’elle ne devienne unité politique. Les Galeries de Milan lui ont dédié l’exposition monographique la plus complète et la plus actuelle, avec trois versions de « Le Baiser », l’image qui continue à raconter une grande passion, symbole de la rédemption d’un peuple et synthèse des rêves et des sacrifices de ceux qui se sont battus et se battent pour une meilleure Italie. (Felice d'Adamo)